Pique Nique
Au sous sol d’un monastère désaffecté au sommet des Carpates, Ying et Yang sirotent leur thé écarlate.
Trophées poussiéreux, les mânes des sages, philosophes et poètes trônent au tableau de chasse telles des souris de laboratoire dans leur cage.
En leur compagnie, “Personne”, celui qui veut convaincre tout le monde qu’il n’existe pas…
Ainsi que les deux soeurs aigries, fausses jumelles, toujours à se chamailler sur qui de l’oeuf ou de la poule est venu en premier.
Quittant mon apostrophe culinaire derrière la fontaine de fumée, ce fut tout un pélérinage que de se rapprocher.
Vie et Mort se prenaient le bec dés qu’il s’agissait de décerner la palme des hurlements à l’un(e) des membres de leur troupeau commun.
Frustrées de devoir se soumettre à la diversité de La Création, les basses milices piaffaient d’impatience.
Dans une senteur de souffre, tous les clans respectifs frisaient la mutinerie et ruaient dans les brancards pour obtenir l’ultime avancement :
“s’occuper exclusivement des humains”.
Les seuls jouets qui font du bruit quand on les secoue.
Déchiffrant par dessous les proéminentes clavicules de La Faucheuse, mon nom saillit furtivement d’une liste de RDV.
Au milieu d’un tas de barbus hirsutes pour lesquels se tondre la tignasse était hors de propos.
Me rapatriant au creux de cette civilisation synthétique les doigts suintants de lardons de truie, le plus sûr fut de me bannir dans la bosse d’un chameau.
Au sein de ce choix hors de chez soi, nul écho de la propagande des multinationales de charlatans & imposteurs.
Depuis des lustres, elles nous ressassent leur rengaine avec “intégrité et conviction”: ” Croissez, multipliez, sillonnez, semaillez…. Nous faucherons. Foi de païen(ne)s ! ”
Tandis qu’un aîgle borgne tournoie dans le firmament en lorgnant la proie qui m’abrite, la voix de “Personne” s’infiltra en sifflant :” Révèle sssur ccce web un ssseul mot de ccce que tu as essspionné et on sss’en occupera… Tu peux déjà économiser ta sssalive pour les timbres…”
Grassement loti, faire le mort fut bien plus confortable que le dernier quart d’heure du franc maçon repenti déniché par ses pairs à Acapulco.
Soudain, le crissement du sable sous le sel attira l’attention de mon hôte bossu.
Comme un lézard en pagne traversant le Mekong accroché à un sampan, un chasseur de reptiles navarro fuyait les visages pâles en creusant sous “the salt lake” à la recherche de sa “vanishing line”.
Mais point de salut même sous le plancton lubrique, il restait traqué par une armée de comanches livreurs de pizzas recrutés par le Boss iroquois du fameux resto’ mexicain “Sin aqua”.
Ce sanglier susceptible et paranoïaque, perpétuellement sanglé de C 4, enrageait de ne pouvoir croiser le fer avec le chasseur.
Quelques années plus tôt, alors que les libellules vrombissaient dans l’air brûlant du désert, le navarro lui avait piqué “Rivière fraîche en été”, sa squaw sioux aux 15 printemps.
Même si les jivaros avaient pris une option sur leur tête, les mercenaires pouvaient garder leur scalp en bonus.
Ils avaient d’abord fui vers “Little Saïgon” au sud de la Californie.
Parmi 200 000 Viets aux yeux bridés, on aurait cru qu’ils auraient pu se fondre…
Mais leur ydille les a trahis comme le riz indique les baguettes.
Il l’a cacha alors dans un camp lacustre entre lynx et cactus et confia sa garde à une amazone cheroqee.
Sans se retourner, me confia-t-il, depuis, il rampe, seul, pour effacer leurs traces.
En mémoire aux belles saisons de cette planète miraculée, il me convainquit de quitter mon abri inoculé.
Après les Ugh et salamalecs d’usage, il nous versa quelques rasades d’absinthe de sa gourde coloquinte.
Nous nous gâvames d’un méchoui de crotales et de figues de barbarie.
Tomahawk en main, nous fumâmes le calumet de la paix en hommage aux Nations éteintes.
Magic mushrooms aidant, nous sculptâmes sous le sel des châteaux en Espagne.
En de brefs palabres cosmopolites, nous dessinions le retour de manivelle…
Une fois notre piège à gringos achevé, il allait s’en retourner vers sa sioux.
Sur le point de lui avouer que le nom de celle ci figurait en haut de la liste, une ombre éclipsa le soleil…
“Personne” … Epouvantail impuissant… Encore et toujours.
Car La Vie disposait de son veto même si sa soeur n’avait que son RDV.
Faisant un détour pour maquiller notre piste, nous laissâmes le chameau à son destin aîlé et prîmes la direction de lointains signaux de fumée.
…” Les Pawnees…” me souffla mon compagnon de fortune… “Ils brûlent leur totem”…”Ils ne jurent plus que par Le Grand Manitou…”
Nous n’arrivâmes qu’au crépuscule, juste à temps pour assister à la renaissance des constellations.
Réunis en Conseil de Guerre devant un Tepee, les derniers braves buvaient les paroles d’un chaman apache.
Déclinée en Dan, le Sage déclamait sa magie…Chimie du cerveau, alchimie de l’esprit, substance de la matière et essence de l’âme.
L’heure du retour tintant, la mangrove s’éloigna avec les rêves…
L’Appel … Encore… Pour un autre jour.
Mais pas pour toujours.
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